Article de référence
Voici un court article de références que Joan Allison a résumé pour moi à partir de mon livre, et auquel j’ai ajouté des commentaires. Il contient des éléments clés du chamanisme classique, des outils nécessaires pour le recouvrement d’âme et extraction plus tard et il est utile pour la clarté déjà dès le début de l’apprentissage.
Mikkal
Joanne Allison
Eléments clés du chamanisme classique
Avec commentaires par C. Michael Smith, Ph.D. (Mikkal)
Copyright Alison Sinclair 2009
Mircea Eliade, historien des religions, a considéré les formes classiques du chamanisme dans son livre sur le chamanisme : Le chamanisme et les techniques archaïques de l’extase, en référence en particulier aux pratiques et croyances en Sibérie et Asie centrale. Le terme chamanisme vient du mot des Toungouses Mandchoue saman. Le nom est formé par le verbe sa (prononcé cha et s’écrit avec un s et circonflexe à l’envers) qui veut dire “savoir”; donc, un chamane est litéralement “celui qui sait”. Les chamanes enregistrés dans les ethnographies historiques ont inclu des femmes, des hommes et des individus transsexuels de tous les âges à partir de l’adolescence (Encyclopedia Britannica).
Eléments importants
Quelques éléments clés du chamanisme sont identifiés ci-dessous :
1. Eliade décrit ce phénomène complexe comme “chamanisme = technique de l’extase”. Il entendait par là que « le chamane est spécialisé dans la transe pendant laquelle son âme est sensée quitter son corps et monter au ciel ou descendre dans le monde d’en bas ».
2. Le vol chamanique implique une cosmologie sacrée, souvent identifiée dans les mythes et croyances tribales qui voient la réalité ultime en tant que cosmologie à trois plans : le monde d’en haut, la terre et le monde d’en bas. La vocation du (ou de la) chamane lui permet de voyager en transe à travers ces différents plans de conscience et de réalité selon sa volonté. Dans cette vision du monde, le monde d’en bas, le monde du milieu et le monde d’en haut sont tous expérimentés comme habités par des esprits ou entités.
3. Les chamanes utilisent souvent une variante d’un axis mundi, un axe central reliant le monde d’en haut au monde d’en bas en passant par notre monde et le supportant, ce qui est souvent symbolisé par un arbre cosmique, une montagne sacrée ou un pilier de rituel. On trouve encore des éléments de l’ascension chamanique dans la tradition judeo‐chrétienne, par exemple l’échelle de Jacob dans l’ancien testament avec les anges y montant ou ydescendant et l’échelle en or s’élevant vers le ciel et vu par Dante dans Paradiso.
4. Un chaman travaille avec des esprits aidants, qui sont sous son contrôle. Parfois le pouvoir chamanique est dérivé directement de l’être suprême ou d’autres entités divines, d’ancêtres ou d’esprits gardiens (le hibou, le renard, l’ours, etc.) qui peuvent agir en tant que messager des esprits ou des dieux. Cette collaboration avec les esprits doit être distinguée de la possession par les esprits, tant que le pratiquant chamanique garde le contrôle. Selon certaines tribus, la transmission du pouvoir se fait pendant les rêves et inclut l’initiation.
5. Les chamanes, par leur transe, agissent comme intermédiaires entre les gens dans leur communauté et le monde des esprits et sont donc capables de guérir les autres, d’accompagner les morts comme psychopompes, de servir de médiateurs. « le chamane est le grand spécialiste de l’âme humaine ; lui seul la « voit » car il connaît sa « forme » et sa destinée » (Eliade, pp 3‐9 , Chamanisme et les techniques archaïques de l’xetase).
6. Bien que le model classique du chamanisme ait été fondé dans l’Arctique et dans les régions d’Asie centrale, le phénomène n’est pas limité à ces pays. Des éléments peuvent être trouvés dans d’autres régions du monde et parmi des éléments mystiques de différentes religions. Notamment, le chamanisme occupe un rôle d’importance centrale dans les traditions amérindiennes. Dans certaines sociétés, les prêtres ou les prêtresses peuvent également être un ou une chamane, par exemple un chaman Bon Po ou Bouddhiste Tibétain.
7. Eliade mentionne les méthodes principales de recrutement comme suit :
1) transmission héréditaire de la profession chamanique
2) vocation spontanée (appel ou élection) ; ou
3) certains peuvent devenir chamanes par leur propre volonté ou celle de leur clan mais ils sont considérés comme moins puissants que ceux appelés par les esprits.
8. Les chamanes sont reconnus dans la communauté après avoir reçu deux sortes d’enseignement.
1) extatique, comme les rêves, la transe, etc
2) traditionnelle (techniques chamaniques, noms, fonction des esprits, mythologie, etc).
Ces instructions sont données par les esprits et de vieux maîtres chamanes et sont équivalents à l’initiation. « C’est seulement cette double initiation –extatique et didactique –qui transforme un éventuel candidat à la névrose en un chamane reconnu par sa société particulière ». (Eliade, p.99).
10. Selon l’anthropologue et adepte du neo‐chamanisme Michael Harner, il y a deux méthodes principales de guérson chamanique :
1) Enlever quelque chose qui n’est pas à sa place : cette méthode ne requiert pas un voyage chamanique, c.à.d .elle consiste à travailler dans le monde du milieu, en utilisant par exemple des techniques de divination et en alternant ce que Michael Harner appelle la réalité ordinaire et non ordinaire. (Smith, p. 17). Typiquement le chamane s’applique à localiser les objets étrangers ou pathogènes dans le corps affligé puis de les extraire.
2) Restituer quelque chose qui manque chez la personne malade : la méthode de restitution inclut généralement un voyage chamanique pour ramener l’âme perdue.
La personne peut être sous stress, affligée ou traumatisée, ceci résultant en une perte d’un pouvoir ou principe vital. Le chamane va alors voyager dans les autres mondes pour retrouver l’âme perdue ou le pouvoir perdu et le rendre à la personne. (cité dans Smith, p. 17, qui mentionne d’autres conditions qui demande une intervenion chamanique, incluant l’intrusion d’sprits, la violation d’un tabou ou la sorcellerie).
Le chamanisme dans la société d’aujourd’hui
Sandra Ingerman, psychothérapeute et chamane formée, étudiante de Michael Harner, a développé une approche chamanique à la perte d’âme, qui est adaptée à la culture occidentale. S. Ingerman pense que la vision chamanique de la perte d’âme s’adresse à l’expérience largement étendue de perte d’âme dans la société moderne occidentale, qui peut aussi s’appliquer à d’autres sociétés contemporaines. Elle expose que toute une variété de désordres ont leur cause sous‐jacente dans la perte d’âme.
C. Michael Smith, un psychothérapeute Jungien, écrit comment les visions des complexes de C.G. Jung se rapportent à la compréhension moderne occidentale de perte d’âme et de dissociations. La perte d’âmes vitales, d’énergies vitales, se coordonne bien avec la notion Jungienne de libido psychique. Du point de vue de Jung, on peut comprendre que le chamane utilise un outil de transe similaire à l’imagination active pour accéder par la volonté à l’inconscient personnel et collectif de son/sa patient/e (dépendant où sont localisés les morceaux d’énergies perdues). Un avantage spécial du chamane est la carte qu’il a acquérie durant de nombreux voyages extatiques. Cette carte du monde intérieur sert comme guide de navigation, une façon de conceptualiser les différents endroits où les morceaux d’âmes ont été retenus ou perdus.
Ai Gvhdi Waya, chamane héréditaire métis Cherokee de l’est, dans son livre « Soul recovery and extraction » (recouvrement d’âme et extraction), décrit que ce que l’on appelle le « vol chamanique » est en fait une utilisation experte de l’hémisphère droit du cerveau pour accéder à d’autres dimensions afin d’ y localiser des parties perdues d’une âme d’un individu. Ceci est généralement, pas toujours, induit par le tambour. Elle identifie des signes de perte d’âme, pour lesquelles une intervention chamanique pourrait apporter de l’aide, comme étant indiqués par des symptômes comprenant la dépression, la perte de mémoire surtout dans le jeune âge, le comportement addictif, la codépendance, la mentalité de victime.
Même si en général un chamane a la réputation d’aider les humains, il peut aussi faire un travail pour d’autres parties du monde naturel, incluant les animaux, les plantes et le paysage.
Il y a une grande variété de qualités et de degrés de compétence chez les chamanes. Par exemple, certaines cultures chamaniques utilisent les hallucinogènes pour atteindre les états alternés de conscience nécessaires ; et certains chamanes peuvent utiliser leurs pouvoirs négativement et deviennent ainsi des sorciers. De plus, pas tous sont capables de faire des voyages à longue distance. Il est dès lors recommandé que les clients soient prudents quand ils demandent de l’aide à un chamane et qu’ls s’assurent que ce dernier a une formation adéquate, de l’expérience et une orientation centrée sur le coeur. Les hallucinogènes ne sont pas nécessaires, au fait, pour basculer dans la réalité alternative.
Conclusions
Eliade a considéré que l’expérience exctatique était un élément primordial du chamanisme. Il n’était pas le résultat d’une quelconque civilisation historique particulière mais plutôt fondamental à la condition humaine et par conséquent connu par toute l’humanité archaïque (Elidae, p. 504). Ce qui a changé avec les différentes formes de cultures et de religions était l’interprétation et l’évaluation de ces expériences. Le chamanisme est une pratique qui prend son origine dans les très anciennes sociétés des chasseurs‐cueilleurs et qui est toujours pratiquée aujourd’hui, ce qui fait que des praticiens formés et expérimentés peuvent, en atteignant la réalité alternative et des états de conscience modifiée, aider les gens à devenir des individus plus équilibrés et intègres.
Pour plus d’nformations, veuillez voir les références ci‐dessous ou vous rendre sur le site : http://www.facebook.com/l/376606oFOhFR1u5liUdjo7k7rew;alisonsinc.googlepages.com/faqsoulrecoveryandextraction
References
Eliade, M., (1951), 2004. Shamanism: Archaic Techniques of Ecstasy. Bollingen Series LXXVI. Princeton University Press.
Encyclopædia Britannica. " shamanism ." Encyclopædia Britannica Online.
Ingerman, S., 1991. Soul Retrieval. Harper‐Collins
Harner, M., 1980. The Way of the Shaman: A Guide to Power and Healing. Harper & Row Publishers, NY.
Smith, C. Michael, 2007. Jung and Shamanism in Dialogue: Retrieving the Soul/Retrieving the Sacred. Paulist Press.
Waya, Ai Gvhdi, (1992) 2004. Soul Recovery and Extraction. Blue Turtle Publishing.
Commentaires de C. Michael Smith, Ph. D (Mikkal)
Joan : merci d’avoir publié cette déclaration classique et bien écrite du chamanisme.
J’ai quelques commentaires à faire.
Dans ma propre expérience aujourd’hui, qu’elle soit ethnographique ou expérimentale, je trouve que les types d’appel prédominants parmi les individus de la culture moderne sont deux :
1) Les appels vers un travail et une vie chamanique qui viennent spontanément et souvent sous forme d’une « crise chamanique » et
2) Les appels qui surgissent comme un désir ardent de l’intérieur de participer au chemin et au travail chamanique.
Les deux genres d’appel ne reflètent pas le potentiel du guérisseur chamanique. Sandra Ingerman se classera dans la deuxième catégorie et elle est une guérisseuse chamanique puissante. J’en ai moi‐même formé un certain nombre qui avaient la deuxième forme d’appel et ils sont devenus des très bons guérisseurs chamaniques. Parfois, ceux qui ont la première forme d’appel ne sont pas aussi performants dans leur travail. Ceci est donc un appendice ou une mise à jour du travail d’Eliade sur ce point.
Le deuxième commentaire que j’aimerais faire concerne l’utilisation des "entheogens" (hallucinogènes). Les connaissances d’Eliade étaient limitées dans ce domaine et j’ai l’mpression que son interprétation était basée sur le fait qu’il pensait que la prise d’hallucinogènes était un signe de déclin chamanique. Même mon amie chamane de Tuva, Vera Sazhina, m’a mentionné le printemps dernier que bien qu’elle ne les utilise pas, l’utilisation des hallucinogènes en Sibérie est connue comme étant d’origine très ancienne.
J’ai moi‐même des expériences directes des résultats des cérémonies d’ayahuasca, dans un contexte de rituel approprié elles peuvent être extrêmement efficaces en faisant éclater les étreintes dominantes de l’esprit matérialiste qui prédomine dans la culture moderne, et elles ont un grand pouvoir, dans des rituels en mains appropriées, d’aider les individus à directement faire face à leurs blessures émotionnelles et de commencer à guérir leurs addictions à l’aide du pouvoir spirituel de ces cérémonies. Je suis d’ccord avec Eliade que les voies sans drogue sont plus répandues et au fait dans la culture moderne elles sont probablement les voies les plus sécuritaires pour atteindre des états de conscience modifiée transformateurs. Je souhaite que nos institutions psychiatriques actuelles puissent voir la valeur des hallucinogènes à l’opposé de la plupart des tranquillisants et autres médications à la phénothiazine.
Ceci dit, pour des raisons personnelles et avec un grand respect pour mon ancien mentor et ami, le défunt Eliade, j’apprécie beaucoup cet article et la façon dont tu en as fait une synthèse avec les éléments clés.
Merci beaucoup
Mikkal
Copyright : C. Michael Smith Ph.D. ShamanicAR@aol.com (269) 687-9364 (C) Copyright 2009
Traduction Eva Morales